Cathédrale de Tunis E. Arrami

L’Assemblée Mondiale Amazighe appelle à une nouvelle union régionale pour l’Afrique du Nord

L’Assemblée Mondiale Amazighe a récemment envoyé une lettre au Président tunisien Kaïs Saïed, dans laquelle elle a exprimé ses félicitations pour la nomination du nouveau secrétaire général de l’Union du Maghreb Arabe (UMA), Tarek Ben Salem. Cependant, l’Assemblée a également souligné que cette nomination ne révèle pas d’espoir pour les peuples d’Afrique du Nord, car l’UMA est considérée comme une organisation moribonde qui ne répond pas aux défis des peuples de la région.

L’Assemblée a également demandé au Président tunisien de conseiller le nouveau secrétaire général à changer la dénomination de l’UMA en « Union du Grand Maghreb », un terme plus intégrateur et respectueux de l’identité plurielle des peuples de la région. Cette demande est basée sur la reconnaissance de la langue et de l’identité autochtone amazighes au sein de la Constitution marocaine et de la réforme constitutionnelle algérienne.

L’Assemblée a également rappelé que la Tunisie a été le premier pays du sud de la Méditerranée à signer un Accord d’Association avec l’Union Européenne en 1995, qui encourage l’intégration maghrébine. Cependant, l’intégration maghrébine connaît de nombreux blocages à cause des « généraux algériens » qui s’entêtent à créer un petit État séparatiste au Sahara marocain.

Enfin, l’Assemblée a appelé à une nouvelle union régionale de l’Afrique septentrionale, basée sur les valeurs humaines et les principes démocratiques, et qui respecte la déclaration universelle des droits de l’homme et la déclaration des Nations Unies des droits des peuples autochtones. Cette union devrait également prendre en compte les droits des femmes, la lutte contre la discrimination et le respect de la diversité ethnico-linguistique.

L’Assemblée Mondiale Amazighe espère que le Président tunisien partage son idée de créer une union régionale plus intégratrice et plus respectueuse de l’identité des peuples de la région.

La lettre adressée par Rachid Raha au Président tunisien

A l’aimable attention de Monsieur Kaïs Saïed,

Président de la République tunisienne

Objet : Lettre de félicitation pour la nomination du nouveau secrétaire général de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) et demande de changement de sa dénomination en « Union du Grand Maghreb »

Monsieur Le Président,

Primo, nous vous félicitons pour la nomination d’un nouveau secrétaire général de l’Union du Maghreb Arabe (UMA), en la personne du diplomate Tarek Ben Salem, pour un mandat de trois ans, à compter de ce premier juin.

Nous vous manifestons que ladite nomination ne réveille, malheureusement, aucun espoir au sein des peuples d’Afrique du Nord, qu’on dénomme en langue autochtone africano-amazighe, Tamazgha, et qu’elle ne s’accompagnera d’aucune relance des relations des cinq États membres. Cette moribonde union est condamnée à perpétuer à rester une coquille vide, depuis sa création à Marrakech (la capitale de l’empire amazighe des Almohades qui ont régné de la Mauritanie jusqu’à la Libye) le 17 février 1989, tant qu’elle ne répond pas vraiment aux défis des peuples d’Afrique du Nord, de se conformer à sa véritable identité et de corriger son histoire confisquée.

Du fait que le siège de l’UMA se trouve à Rabat, à la capitale du Royaume du Maroc, régie automatiquement par le droit marocain, je vous demande de conseiller fortement à votre diplomate de procéder à l’adéquation de son appellation avec la loi suprême  du Royaume, qui a, désormais, substitué dans son préambule, le terme du « Maghreb Arabe » par le terme du « Grand Maghreb ». Un terme plus intégrateur, plus rassembleur et plus respectueux de l’identité plurielle de nos peuples, surtout après la reconnaissance de la langue et de l’identité autochtone amazighes au sein de la Constitution marocaine du 1er juillet 2011 et de la réforme constitutionnelle algérienne en 2016, dans l’attente que votre pays, la Mauritanie et la Libye suivent l’exemple, et procèdent à leur tour, à bannir cette profonde injustice et à se réconcilier avec l’extraordinaire histoire de cette hospitalière terre qui va des Îles Canaries jusqu’à la Mer Rouge !

Monsieur le Président,

Comme je l’avais signalé auparavant aux ministres des affaires étrangères de nos pays nord-africains, nous devons tous réfléchir sérieusement  pour la reconstruction de l’Union régional de nos Etats d’Afrique du Nord, sur de nouvelles bases, plus réalistes et plus pragmatiques, en syntonie avec nos valeurs, en s’inspirant de la vision africaniste et amazighe et en s’éloignant, courageusement, une fois pour toute, des considérations idéologiques arabo-islamistes obsolètes, que feu l’islamologue algérien Mohamed Arkoun n’arrêtait pas de dénoncer. Une nouvelle union régionale, à l’image de l’Union Européenne, qui se base sur l’histoire millénaire de ce continent et qui puise ses origines dans la civilisation amazighe. Une union qui se reconstruirait en accord total avec la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, et qui respecterait la déclaration des Nations Unies des droits des peuples autochtones du 13 septembre 2007. Une union qui érigerait comme priorités les droits des femmes, la lutte contre toute forme de discrimination, le respect de la diversité ethnico-linguistique, la pluralité des croyances religieuses et le multipartisme politique.

Pourquoi pas, une union qui brandirait les valeurs humaines et les principes démocratiques à l’exemple des Européens. Si ces derniers se vantent de l’origine de la démocratie à la création de la ville grecque d’Athènes, vers 800 ans avant. J-C., nous, en tant que Nord-Africains, nous devons nous enorgueillir de nos aïeuls Amazighs de Tunisie qui ont eu le privilège d’être les pionniers de l’invention de la notion de « démocratie » avec la création de l’agora (Agraw en amazighe) de la cité de Carthage, sous la reine d’Elisa Didon, quatorze ans avant, en 814 avant J-C., fondatrice de la civilisation carthaginoise.

Une union régionale de l’Afrique septentrional qui devrait parier pour la mise en place d’un système politique fédéral, compatible avec notre ambitieux projet politique pan-amazighe de « Manifeste de Tamazgha » basé sur le droit à l’autonomie des régions [3], inspiré de nos anciennes institutions locales socio-politiques des confédérations tribales. Un système fédéral qui réglerait définitivement la question du Sahara marocain occidental, les aspirations séparatistes de la Kabylie, et, qui de surcroît, mettrait fin à la guerre civile et intertribale des communautés libyennes.

Monsieur Le Président,

Nous espérons que vous partagez avec nous l’idée que ce n’est pas Israël, ni les Etats Unies d’Amériques, ni encore moins les anciennes puissances coloniales européennes (la France, l’Espagne ou l’Italie) qui bloquent l’émergence de cette union désirée de nos Etats depuis le traité de Marrakech de 1989, les empêchant de bénéficier d’un conséquent développement socio-économique et humain, en vue d’assurer le bien-être social et la paix à tous les peuples de Tamazgha. En réalité, ceux qui bloquent obstinément cette intégration régionale du « Grand Maghreb » sont, bel et bien, les « généraux algériens », qui ont voulu vous embarquer dans une mauvaise aventure d’union tripartite anti-marocaine !

Rappelons que votre pays, la Tunisie, a été le premier pays du sud de la Méditerranée qui a signé un Accord d’Association avec l’Union Européenne en 1995, suivi du Maroc et de l’Algérie, et qui énonce : « l’encouragement de l’intégration maghrébine en favorisant les échanges et la coopération au sein de l’ensemble maghrébin et entre celui-ci et la Communauté européenne et ses États membres ». 

Malgré cet accord qui s’insère dans le cadre du processus euro-méditerranéen de Barcelone, lancé en 1995, l’intégration maghrébine connaît de nombreux blocages à cause de ces corrompus « généraux algériens », qui s’enferment maladivement dans l’idéologie arabo-islamiste dépassée, et qui s’entêtent à créer, contre nature et depuis cinq décennies, un petit Etat séparatiste « Arabe » au Sahara marocain, dans la seule finalité de perpétuer leur ‘sale guerre’ contre les Marocains, considérés à leurs yeux des Amazighs, depuis leur défaite durant la Guerre des Sables de 1963. Les «généraux algériens», afin de se perpétuer au pouvoir, ont trouvé la parade de l’ennemi extérieur (El Marroqui) et l’ennemi intérieur, les Amazighs de la Kabylie, du Mzab et des autres communautés amazighophones ! 

Monsieur le Président,

Tout en se remémorant la célèbre citation du leader amazighe panafricain Massinissa « L’Afrique aux africains », nous vous demandons de reconnaître les fondements africains et amazighes de la Tunisie, par tous les moyens, non parce que nous sommes Amazighes, mais parce que ceci va dans l’intérêt suprême de la Tunisie qui sera fidèle à son histoire, à sa civilisation et à son identité souveraine, même si nous sommes déçus de votre constitution postrévolutionnaire, qui considère la Tunisie comme un pays « arabe », bien que la majorité des tunisiens sont, en fin de compte des Amazighes arabisés, dont une minorité a défié les conquérants « Arabes » et garde toujours leur langue millénaire amazighe au sud.

Sachez bien que l’appellation « Maghreb Arabe », depuis l’abolition du Mur de Berlin et des révolutions du printemps démocratiques des peuples (appelé erronément ‘printemps arabe’), qui a commencé par votre Révolution du Jasmin du 17 décembre 2010, blesse profondément la sensibilité, l’identité et la fierté de millions de citoyennes et citoyens autochtones nord-africains et qu’il n’y a aucun empêchement de le substituer par le terme du « Grand Maghreb ». Il faut se remettre à l’évidence que les récentes découvertes archéologiques et les données de l’anthropologie génétique confirment que l’Afrique du Nord n’est pas du tout arabe. Cependant, nous devons, désormais être fiers que notre continent possède un toponyme amazigh, Afrique, à travers lequel on dénommait votre propre pays de Tunisie, avant l’invasion des Phéniciens, des Romains, des Vandales, des Arabes, des Ottomans et des Européens.  Les résultats des fouilles archéologiques, menés par le français Jean-Jacques Hublin et le marocain Dr. Abdelouahed Ben-Nçer sur les crânes « d’Adrar Ighud » (en arabe Jbel Ighoud », révélés en 2017, ont tranchés et confirment, pour le moment, que l’« Homme d’Adrar Ighud » constitue le plus vieil ancêtre de l’homo sapiens, avec une datation de 315 000 ans. Notre Tamazgha s’érige dorénavant, le berceau de l’humanité [6] et elle est à l’origine de toutes les populations humaines, qu’ils soient Arabes, Iraniennes, Turques, Hindoues, Chinoises ou le reste des peuples asiatiques, Européens, Américains, Australiens et Africains ! Et parmi les peuples africains, figurent, bien sûr, les « Hommes libres », les Amazighs de tous nos pays d’Afrique du Nord, qu’ils soient amazighophones ou qu’ils soient arabophones, et dont l’ancêtre commun n’est que « l’Homme de Gafsa », qui a vécu au sud-tunisien entre 10 000 et 7000 ans, et qu’il est à l’origine de la civilisation préhistorique des Capsiens.

Monsieur le Président,

En définitive, nous appelons à votre esprit d’ouverture, à votre sens de responsabilité et à votre devoir historique à user de toute votre influence et votre diplomatie afin de convaincre les « généraux algériens » et les autres dirigeants de nos pays de Tamazgha de se réconcilier avec notre millénaire histoire commune. En paraphrasant la déclaration de Sa Majesté Le Roi Mohamed VI, à la suite de la reconnaissance du nouvel an amazigh, le 3 mai 2023, nous pouvons parfaitement affirmer que : « l’Amazigh en tant que composante essentielle de l’identité maghrébine authentique, riche par la pluralité de ses affluents, et patrimoine commun à tous les Nord-africains sans exception ».

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de notre considération fort distinguée.

Rachid Raha

Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe


Publié

dans

par

Étiquettes :

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *